Débriefing Main Square 2017 : entre illusions et désillusions

C’est un record de fréquentation pour le Main Square Festival à Arras avec 125 000 personnes en trois jours. Une programmation aussi variée qu’explosive. Du métal, hip-hop alternatif, groove, rock, électro, reggae fusion, pop et bien d’autres styles se sont vus offrir une place pour cette treizième édition du festival de musique Arrageois. Un festival généraliste, exutoire avec un gros line-up pop / rock pour cette édition.

Les incontournables VERSUS les belles découvertes

En terme de prestation, c’était l’ascenseur émotionnel. System of a Down a brillé par son caractère magistral et a proposé tous les tubes les plus incontournables tels que B.Y.O.B., Aerials, Chop Suey, Radio/Vidéo ou encore Lonely Day. Seul bémol, Daron Malakian est resté planté tel un arbre pendant une heure trente : ce n’était pas un show excentrique mais la foule a pogoté comme jamais.

A l’inverse, Die Antwoord a proposé un show énergique où chaque fin d’un son permettait aux danseuses et aux chanteurs de changer de tenue. Un show rythmé par des interactions endiablées avec le public et un son enivrant qui fait chavirer l’esprit – rien que ça.

Dans un autre registre, Biffy Clyro a été merveilleux en terme d’ambiance, mais le son de la basse mal géré a un peu gâché l’écoute. Frank Carter And The RattleSnakes a proposé un show électrique et leur performance a été bien supérieure à celle qu’ils avaient proposé en janvier à l’Olympia – où d’ailleurs, ils faisaient la première partie de Biffy Clyro.

Il serait impossible de détailler les performances de tous les artistes présents – puisque je n’ai pas encore acquis Le Retourneur de Temps – cependant, quelques groupes méritent d’avantage d’attention. Les sous-estimés étaient donc nombreux. Premièrement The Inspector Cluzo, du rock personnalisé, déjanté et un live incroyable. La fin du show a mis la foule en transe (voir à partir de 51:46 sur la vidéo ci-dessous). Niveau rock,  ça a été la meilleure découverte et non : le rock n’est pas mort. Fiers de leur origine, c’est avec légèreté que les deux mousquetaires ont indiqué que le Gascon est bien plus vieux que le français (de plus de 1000 ans, rien que ça). Selon leurs mots ”Et le Gascon, ce n’est pas de l’Occitant !” ; pour enfin terminer sur un mot :”Adishatz” – au revoir, en Gascon.

En outre, il y a eu Jain, une artiste pétillante qui fait voler la barrière entre les genres et qui s’est forgée musicalement parlant au gré de ses voyages. Elle a été exceptionnelle niveau interaction avec le public. Modeste et passionnée, elle a pris le temps de remercier tous les musiciens en tournée avec elle, techniciens, et autres intermittents du spectacle.

Ensuite, vous avez Seasick Steve, du folk-blues beau à chialer. Le chanteur, bientôt octogénaire, a une forme olympique. Du fait maison : le chanteur a joué un petit solo de guitare à une corde home made via une planche à laver, un ustensile sanitaire, aujourd’hui détourné de son utilisation originelle. Ces dernières ont été détournées de leur utilisation dans les années 1900 en Nouvelle-Orléans ; les premiers batteurs de jazz ont utilisé des planches à laver en métal qu’ils grattaient via des dés à coudre. L’émotion était à son comble lorsqu’il a invité une femme à monter sur scène afin de lui chanter – personnellement – une chanson.

Un mélange de blues, folk rock, rock australien ou encore reggae, Xavier Rudd est multi-instrumentiste. Aussi bien à la guitare, à harmonica, au didgeridoo, au banjo ou encore au djembe, ce jeune Australien manie aussi bien les instruments que le chant. Un timbre de voix puissant, qui n’est pas sans rappeler celui de Patrick Watson dans un autre style, laisse éclater un vent de lévitation, d’apaisement et de libération dans une aura d’intensité sans pareille.

Enfin, la dernière découverte est le groupe tremplin ayant gagné le concours leur permettant de se produire au Main Square alias North Rain. Selon eux, ils n’ont pas de genre prédéfini mais ont sans doutes des inspirations hip-hop à la Limp Bizkit. Un peu rock et punk à la fois, c’est dynamique et énergique.

Le Main Square se targue d’avoir la référence pop pour cette édition 2017 qui se produit qu’une seule fois en France cet été : Radiohead. Un incontournable. Un groupe qui manie la musicalité avec brio entre musique expérimentale, parfois imprévisible, mais souvent avec un aspect poétique. Le groupe a choisi de produire une setlist évolutive de festival en festival. Un registre en l’occurrence ici calme, qui n’a donc pas contenté tous les fans. Un festival est l’occasion de découvrir de nouvelles choses et quand bien même le nombre de fan ayant un t-shirt à l’effigie du groupe était impressionnant, la probable majorité des festivaliers qui n’était initialement pas là pour eux aurait surement souhaité découvrir les titres les ayant fait connaître. Le seul moment où tous les fans ont pu chanter en cœur, était lorsque No Surprises a retenti sur les caisses : un moment d’anthologie. Les points négatifs de leur venue : pas de diffusion en direct et ils sont partis 30 minutes avant la fin prévue. Pas d’au revoir propre. Pas d’applaudissement de fin. Une partie quitte le festival à coup de :”Ils se foutent de notre gueule là ?”. Était-ce le meilleur choix pour clôturer cette dernière édition ?

Accessibilité et mésaventures : une organisation à revoir

En terme d’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite et / ou présentant un handicap visuel, l’équipe du festival propose diverses solutions : un parking réservé, une entrée dédiée, des plateformes, l’autorisation de circuler avec des chiens guides pour les personnes présentant un handicap visuel, du personnel pour la prise en charge des personnes à mobilité réduite. Cependant, certaines zones n’étaient pas facilement accessibles telles que le magasin du festival (pour les goodies, t-shirts et autres sweats) ne possédaient pas de rampes d’accès (l’entièreté du stand étant à 30 centimètres du sol). Le Cabaret Vert propose quant à lui des dispositifs plus complets et chaque stand (bières, food-trucks) possède un comptoir plus bas situé afin de permettre aux P.M.R. de commander facilement.

Concernant ces zones réservées, elles étaient inaccessibles aux femmes enceintes sauf si elles avaient un certificat médical. Un accès aurait été plus appréciable, par sécurité. Sur le site internet du festival, il est d’ailleurs indiqué que : ”Ce n’est pas parce que l’on attend un heureux événement que l’on doit se priver de musique ! Mais être enceinte, ce n’est pas être une P.M.R.”. Certes, l’attente d’un ”heureux événement” ne constitue pas un problème de mobilité en soi cependant, au vue de la forte densité de festivaliers pour un si petit espace, rien que de commander des boissons donnait lieu à diverses incivilités (bousculements ou autres agressions). Alors un peu d’humanité et de compréhension. Attendre un enfant ne doit pas être un frein au divertissement, mais l’insécurité l’est.

Les organisateurs du festival ont misé gros sur la sécurité. C’est au total 270 agents de sécurité d’une boîte privé qui étaient sur le site. Côté police, les effectifs étaient également nombreux : 110 agents, 60 gendarmes mobiles, 2 snipers sur les toit du post central de sécurité, une brigade équestre et même l’armée. Cependant au sein du festival, et particulièrement aux abords de la scène, le nombre de professionnel semblait être peu nombreux. Des problèmes sont survenus au sein de la foule lors des divers pogo : c’est le cas de @Mewtecia sur Twitter. Je vous invite à dérouler le thread ci-dessous mais grossièrement : lui et son amie ont été fortement insultés et bousculés par des festivaliers. Cette dernière a souffert d’une crise de panique et sous l’indifférence des personnes autour d’elle, s’est vue bousculée par un type de 2 mètres de haut qui voulait acheter sa dose de bière horaire en lui priant de se bouger du bar. Bémol : trop de monde, le mec n’y prêtant pas attention s’est acharné sur elle.  Si vous souhaitez lire et comprendre cette expérience dans le détail, cliquez sur le tweet.

Cette expérience met en évidence deux choses : la difficulté avec laquelle ont probablement du faire face les secouristes en cas de problème et l’incapacité du festival à gérer divers points. La foule étant compacte, le temps que chacune des personnes s’écartent afin de laisser passer les secours augmente le temps d’intervention. De plus, personne n’était là pour aider ces deux personnes, à part quelques festivaliers bienveillants. Un festival ne doit pas être le lieu de l’indifférence mais bien du partage et de la bienveillance. Nous sommes tous différents et réagissons tous différemment en fonction des situations ; alors bienveillance est mère de sûreté. Une organisation plus souple serait appréciable comme éviter de bloquer tous les accès pour obliger les gens à faire des détours de 20 minutes pour rejoindre le poste de secours, par exemple.

Points positifs : musique et ambiance

Par contre, le festival a brillé par sa programmation complète et variée. Un line-up de qualité d’années en années. Côté consommation, un grand panel de food-trucks était proposé partout sur le site de la Citadelle. En passant par les inévitables friteries et stands de churros ; d’autres cultures culinaires se trouvaient sur le site telle que de la cuisine sénégalaise, de la  cuisine du moyen-orient ou encore de la cuisine mexicaine.

Au niveau de la prévention, le festival proposait gratuitement des protections auditives afin de préserver les oreilles des décibels trop élevés. De plus, des stands de prévention des IST (Infections Sexuellement Transmissibles) étaient d’ailleurs présents à proximité de l’entrée principale où les bénévoles distribuaient des préservatifs – qui servaient parfois de ballons et qui rebondissaient sur la tête des festivaliers en plein concert.

Concernant la convivialité : tout le monde dansait, riait, s’émerveillait. Le camping c’est plutôt une ambiance enthousiaste, bon enfant parsemée de :”C’est l’heure de l’apéro !” dès potron-minet.

Un festival somme toute agréable. Une atmosphère accueillante, tantôt enflammée, tantôt paisible. Des groupes motivés, profitant avec le public du moment avec beaucoup de légèreté et de modestie. Malgré les quelques problèmes rencontrés, c’est un festival qui est encore jeune et évolue d’année en année et qui apprend de ses erreurs. J’y retournerai sans doute.

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Rose Towlson
Héroïne des temps modernes, fan inconditionnelle de Mass Effect. Du retrogaming sur un plat de science-fiction, le tout saupoudré de yolo. Engagement et liberté, mes maîtres mots.